Ce roman d’une grande densité est avant tout une immersion dans la grande bourgeoisie cosmopolite (Égyptiens, Grecs, Libanais, Turcs, Juifs, Britanniques…) de l’Égypte sous protectorat britannique au début du XXè siècle. La communauté grecque d’Alexandrie y est ici largement représentée par quelques familles.
Les trois personnages principaux constituent la clé de voûte de cette saga familiale : Antonis Haramis, le puissant homme d’affaires est à la tête d’une entreprise de fabrication de cigarettes ; son fidèle ami, Elias Houri d’origine libanaise, homme d’affaire et espion à la solde des services secrets britanniques et enfin Yvette Santon, franco-suisse, maîtresse d’Haramis (espionne et tenancière de maison close comme couverture).
Alexandrie est avant tout l’héroïne de cette fresque historique et happe tous ceux qui ont foulé cette terre chargée de mythes.
En arrière-plan, les guerres mondiales sévissent dans toute l’Europe jusqu’à venir en terre égyptienne (pour la seconde guerre mondiale) et sont propices à toutes les spéculations.
La politique côtoie les conspirations et les vengeances sans oublier les plaisirs interdits mais aussi l’ascension et le déclin des élites qui ont été façonnées par cette ville envoûtante. L’auteur nous décrit avec beaucoup de talent tout le faste et la démesure de cette micro société, comment une communauté privilégiée parvient à vivre à l’occidentale (mode dernier cri, exposition, théâtre, concerts classiques…) sur une terre où règne une extrême pauvreté.
Véritable voyage sensoriel (quartiers arabes) avec ses vendeurs ambulants de boissons, de friandises mais aussi d’épices qui exhalent de toute part ; cette ville surpeuplée, ce fourmillement humain me rappellent les œuvres de N. Mahfouz (grand écrivain égyptien et prix Nobel). Un grand coup de cœur de l’année 2011.