Ce livre aborde de front dès sa première partie un sujet peu abordé dans les romans : l’emploi, ou plutôt sa perte, les délocalisations et leurs conséquences, individuelles et collectives. Et également les réactions qu’elles entraînent, violence contre violence.
Toute la première partie ce roman est menée tambour battant sur ce thème. On suit un ouvrier de 40 ans, Laurent, travaillant chez Contilis (mix imaginé de plusieurs luttes récentes), et qui va se retrouver en premières ligne de la résistance à cette décision brutale de la direction. Et aussi en subir les conséquences les plus rudes dans sa vie personnelle.
Ne le cachons pas, la sensibilité de l’auteur (ou en tout cas de Laurent) est plutôt anar que syndicaliste de gauche « classique ». Laurent fera partie de ceux qui n’acceptent pas qu’on « brade » leur emploi pour 50 000 euros, somme qui fait rêver certains, mais qui se révéla être une pure illusion une fois divisée par cinq au final.
Mais l’histoire ne finit pas là. J’ai trouvé la deuxième partie un peu molle, d’un romantisme au-delà du réel, qui à mon sens est hors du champ des possibles. Laurent et quelques autres se trouvent embringués dans une coupe du monde des chômeurs, alors que la direction de l’entreprise, voulant, en apparence, se racheter, se lance dans la création d’une fondation humanitaire, pour combler le déficit de son image de marque. Pour moi en tout cas, cela ne fonctionne pas.
Mais la surprise viendra ensuite dans l’implication de la génération actuelle (le fils de Laurent), adepte des réseaux sociaux et un peu hacker sur les bords, pour mettre à jour ces supercheries. Et on retrouve là une construction romanesque tout à fait bien menée.
On pourrait parler de beaucoup d’autres aspects, notamment la destruction de la vie familiale de Laurent dans cette affaire. Au total un roman bien mené, assez pédagogique dans le bon sens du terme pour tout ce qui concerne la gestion financière de la production et des hommes. Et bien amené quant à l’arrivée de la relève générationnelle, sous une forme inattendue et créative.
Resbuzz : nous sommes particulièrement contents et fiers d’accueillir le 18e auteur de chroniques de ce blog. Tiennot Grumbach, que nous avons reçu à la librairie pour une soirée passionnante (voir ICI), est un habitué de La Réserve depuis sa création et un ami depuis plus longtemps encore. Il est surtout un des principaux théoriciens et praticiens du droit du travail en France (aux côtés des travailleurs). Donc lui faire lire avant parution ce livre, pendant la période difficile qu’il traverse sur le plan santé, était une bonne idée. Cela a donné cette chronique idée. (commentaire de Stéphane Bernard.)