Écrire, c’est aussi ne pas parler. C’est se taire. C’est hurler sans bruit (Marguerite Duras, Ecrire).
Ce livre est peut-être et jusqu’à présent mon plus gros coup de cœur de la rentrée.
Impossible d’en dévoiler le sujet, le cœur, le noyau. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’il s’agit d’une histoire de famille.
Je l’ai abordée bille en tête cette histoire, sans avoir rien lu au préalable ni à propos de l’auteur ni à propos de ce titre en particulier, en fait son premier. Et c’était bien comme ça.
Distraite et peu attentionnée, je n’ai pas fait le rapprochement de suite… Pourtant, il était là, sous mon nez, et tout m’y conduisait. Mais le lien ne m’est apparu qu’au dernier chapitre, au changement de ton. Et c’était bien comme ça.
Vierge de tout a priori, je me suis laissée embarquer par l’écriture, fine et colorée, dès les premières pages. J’ai souri à l’image du fils qui creuse la fosse de son père dans son jardin, qui tasse la terre de la tombe tout debout dans ses chaussures anglaises bien cirées. Et c’était bien comme ça.
J’ai cru que c’était un roman. J’ai aimé les descriptions, les évocations sépia de l’enfance. Les petits coups de canif incisifs dans les souvenirs rapportés. J’ai trouvé le narrateur plutôt drôle et doué. J’ai cru que c’était de l’autodérision. Et c’était bien comme ça.
Puis ce narrateur est devenu proche, de plus en plus proche, et l’écriture de plus en plus intime, toujours aussi belle, aussi simple. Et l’histoire est devenue de plus en plus noire, de plus en plus amère. Des points d’interrogation ont surgi d’un long monologue déroutant. J’étais juste intriguée. Et c’était bien comme ça.
Et soudain, la révélation cruelle, la confession déchirante, la vérité féroce… Par surprise, tout doucement guidée par cette écriture, sobre et tendre, de plus en plus profonde, de plus en plus grave, sans concession puis sans fards, j’ai enfin compris. Et j’ai rencontré l’auteur.
Il était là, avec moi, il m’a fait confiance, il me parlait, je lui tenais la main, j’étais sans voix, il hurlait sans bruit. Quand j’ai tourné la dernière page, il était parti, j’étais saisie. C’est moi qui avais alors envie de crier, sans bruit.
A lire, tout simplement.