On entre dans le roman par une scène coup de poing : une fillette est violemment arrachée à sa mère, et se retrouve en centre spécialisé, polytraumatisée et asociale. Peu à peu elle se laisse apprivoiser, tout en faisant preuve d’une analyse très fine de sa situation.
La complicité du directeur de centre, fin psychologue sensible à la maturité de Lila et à ses efforts pour ne pas oublier sa vie antérieure, l’aide à grandir, protégée dans une bulle où les livres et la musique occupent une place importante. Puis d’autres personnages lui serviront de tuteurs lorsqu’elle sera en âge de quitter le centre.
Au fil des chapitres, l’auteur sème des éléments décalés, jusqu’à la précision : nous sommes en 2102. Des détails surprenants s’éclairent, ce récit n’est pas seulement le parcours initiatique de Lila, il est aussi une anticipation des transformations possibles de notre société. Une société coupée en deux, avec une frontière à passer pour pénétrer dans la Zone Extra-muros, toute de violence de marginalité et de désespoir. Une société hypersécurisée, truffée de caméras et d’automates…
La construction narrative menant de front les entraves du présent et l’obsession d’un passé à retrouver, est servie par une écriture fluide et efficace, facile à lire.
La Ballade de Lila K. est un roman troublant et attachant, un livre qu’on ne lâche pas tant le personnage principal semble crédible, tant les dérives du fonctionnement social sont vraisemblables et inquiétantes. Subtile alliance entre tendresse et violence, voici un excellent roman, à la fois sensible et pudique, original et inquiétant.