Pluto est une petite ville du Dakota du Nord, en territoire indien, colonisée majoritairement par des Allemands et des Norvégiens. Sortie de terre à la fin du XIXe siècle sous l’impulsion de Frank Harp, spéculateur foncier, elle doit son existence à une expédition mémorable et tragique d’une équipe de géomètres hétéroclites composée notamment de Joseph Coutts et des frères Buckendorf, guidés par les frères Peace, d’origine indienne.
Quelque temps après, la cohabitation entre la réserve indienne et la nouvelle petite ville s’avère tendue et difficile : méfiance, préjugés racistes, clivage culturel, suprématie des colons…
En 1911, la contrée est secouée par un fait divers sanglant suivi de la pendaison arbitraire des présumés coupables. Une famille est retrouvée assassinée dans sa ferme, à l’exception d’un bébé de quelques mois, vagissant dans son berceau. Pour la communauté blanche, il s’agit-là forcément de crimes d’indiens et une expédition punitive est lancée par Eugen Wildstrand à laquelle participent notamment les Buckendorf. Sans aucune forme de procès et malgré leurs protestations d’innocence, trois Indiens sont pendus haut et court, dont le frère cadet des Peace. Le quatrième, Mooshum Milk, est détaché de l’arbre aussi in extremis qu’inexplicablement.
Quelques décennies plus tard, les communautés blanches et indiennes se sont mêlées. Des liens familiaux officiels ou secrets émaillent la généalogie locale, métissant indiens et colons dans un grand brassage culturel.
La petite fille rescapée de la sordide tragédie qui hante encore les esprits est devenue une vieille femme, quasiment oubliée de tous. Pour autant, face à l’injustice et à l’intolérance, la malédiction des colombes planent encore sur des héritiers qui sont aussi parfois des coupables… C’est au son d’un violon presque magique que tous ces destins individuels et familiaux vont s’entrechoquer, résonner entre eux, créer un labyrinthe de tensions dramatiques et de secrets bien gardés, un maillage inextricable d’intérêts, d’émotions et de sentiments, un enchevêtrement de fils de vie comme animés par les Moires implacables et facétieuses.
Louise Erdrich, fille métis d’une Indienne et d’un Américain d’origine allemande, nous conte avec rondeur cette histoire sépia à travers plusieurs narrateurs qui confrontent leurs différents points de vue et entremêlent les récits au passé et au présent. Chacun à sa manière livre une bribe de la vérité, dévoile un aspect de sa vie ou de celle de ses proches, apporte une pierre à l’édifice local, témoignage vivant et humain d’une petite fabrique de l’histoire en kaléidoscope.