Publié en 1976 et réédité en France aujourd’hui, « les enfants de la veuve » est une nouvelle incisive et grinçante sur le thème de la famille, de l’amour filial et maternel, des relations humaines écrasées par des egos surdimensionnés.
Petits règlements de comptes sournois et réminiscences troublantes du passé vont émailler le récit de leur éclat acerbe et fourbe.
C’est une sorte de huis clos dont l’écriture évoque celle d’une pièce de théâtre. Il ne se passe pas plus de 24 heures entre le premier et le dernier chapitre, les lieux de l’action sont assez circonscrits (un hôtel, un restaurant, des appartements new-yorkais, un cimetière…).
Certains personnages sont physiquement bel et bien en scène quand d’autres ne doivent leur présence – pourtant tenace- qu’à de longues évocations.
Laura et son deuxième mari Desmond sont à la veille de partir en Afrique pour un long voyage. Ils ont invité à dîner des proches de Laura : Clara, la fille née d’un premier mariage, Carlos, le frère, et Peter, un ami éditeur.
Aucun des protagonistes de ce dîner n’est ravi d’être là, pour différentes raisons.
Odieuse tout au long de la soirée, Laura cache pour sa part une nouvelle qu’elle a apprise un peu plus tôt dans l’après-midi : la mort de sa mère, seule, dans sa maison de retraite.
Laura est un personnage caractériel qui monopolise l’attention, une de ces femmes qui écrase toute vélléité d’existence à ses côtés, une véritable castratrice. Issue d’une famille espagnole, elle porte fièrement son origine en bandoulière et s’est forgé une légende familiale romantique et héroïque. Lors de cette soirée, elle se montrera tour à tour enjôleuse et séductrice, mais surtout égoïste et cruelle.
Son mari, personnage falot et ridicule, se saoule pour supporter l’ambiance tendue et essayer de s’extraire de l’emprise de sa femme.
Clara, timide et effacée, toujours au bord de la culpabilité, a été élevée par sa grand-mère et ne connaît finalement que très peu sa propre mère, dont elle craint le regard. Face à elle, elle redevient une enfant de 4 ans, qui a toujours peur de mal faire et de déplaire à une génitrice trop autoritaire et distante.
Quant à Laura, même si elle a laissé sa mère élever son enfant pour être plus libre de ses mouvements, elle regrette inconsciemment ce dont elle a été privée : les relations quasi maternelles qui ont existé entre la grand-mère et la petite-fille. Elle essaiera de se venger de cette frustration en tentant d’empêcher Clara de venir à l’enterrement.
Carlos est homosexuel, donc un maillon faible de la famille au regard de Laura, même si elle ne l’avoue jamais franchement. C’est elle en fait qui revendique la part masculine des Maldonada, tout en perpétuant la lignée par sa maternité. Elle porte l’héritage et l’avenir de la famille sur ses épaules et le fait savoir.
Peter, enfin, est une sorte d’amoureux transi qui s’ignore, un admirateur béat de Laura, fatigué de son métier, fatigué par sa vie, sans plus de motivation ni d’allant. Une chiffe molle, gentille mais soumise… qui tentera cependant dans un soubresaut d’amour propre de s’opposer à Laura et à ses volontés quasi divines.
Le regard de Paula Fox n’est pas tendre : il dissèque froidement des personnages souvent détestables, leurs contradictions, leurs frustrations, leurs mesquineries. Aucune bienveillance dans le ton, aucune compassion. Sèche et sévère, l’auteur décortique des relations familiales dominées par un personnage étouffant. Pas de pitié pour les faibles non plus. Et pourtant, ce qu’on entrevoit à travers tout le récit, et qui nous laisse un sentiment amer, n’est qu’une quête vaine et désespérée d’amour.