Jim Harrison est de retour : embarquement immédiat pour le Grand Ouest américain, ses lacs, plaines et forêts, ses indiens et ses vieux cow-boys, la pêche, la chasse, l’alcool, le sexe, la littérature…
Tous les thèmes de prédilection de l’auteur se retrouvent dans ce recueil de trois nouvelles qui célèbrent la nature et la liberté, en constante opposition à la sauvagerie et brutalité de notre environnement social.
Il y a aussi dans les trois personnages principaux un point commun troublant : une tendre candeur qui leur permet de rayonner malgré leur statut de marginaux, d’infortunés. Chacun tâtonne dans sa vie chaotique mais finit par trouver une voie carrossable, un moyen de « faire avec » ses handicaps sociaux. Peu à peu, ils apprennent à dompter leurs élans de spontanéité et la rusticité qu’il y a en eux, sans lâcher leur part d’ingénuité. Chacun à leur manière, ils s’éveillent symboliquement de l’enfance à l’âge adulte.
La première nouvelle intitulée « La fille du fermier » est celle que je préfère. Sarah est un personnage lumineux qui réchaufferait n’importe quel cœur endurci. Les descriptions de la nature sauvage du Montana nous transportent allègrement dans notre imaginaire des grands espaces américains nourri de rêves de conquête et de mythes liés au retour à cet état naturel de l’homme bon et perfectible, au seuil de tous les possibles.
En revanche, le « Retour de Chien brun » m’a laissée plus perplexe. On y retrouve le vieux compagnon indien de Jim Harrison fuyant au Canada pour éviter à sa fille Baie « l’enfermement dans du béton ». Toujours aussi alcoolique et égrillard si ce n’est plus, Chien brun est trop fidèle à lui-même. Son comportement puéril et candide en fait certes un personnage très attachant mais on ne peut s’empêcher de ressentir une impression de déjà vu.
La dernière nouvelle revisite le mythe du lycanthrope qui lors de ses crises lunaires doit s’exiler des villes et des foules pour se soumettre en toute sécurité à sa bestialité gloutonne et sa fureur érotique. Certaines descriptions de ces « Jeux de la nuit » nous valent alors de jolies évocations poétiques, à l’image de la couverture du livre. Et encore une fois, le jeune homme atteint de ce satyriasis mensuel (j’allais dire menstruel) attire inéluctablement sur lui notre compassion et notre empathie.
Trois portraits bienveillants et tendres dans des paysages grandioses, loin des figures sombres des westerns crépusculaires.