Après Les Bienveillantes, il y a deux ans, et Zone de Mathias Enard l’an dernier, la plus longue et plus originale lecture de l’été (prérentrée des libraires) a été pour moi cette année ce premier roman de Vincent Message. Gros livre étrange et fascinant, venu d’ailleurs, et d’ailleurs très différent des deux livres cités plus haut.
Nous sommes quelque part dans la ville-Etat de Regson, avec son gouverneur omnipotent. Quelque chose de la Californie, mais pourquoi pas française après tout. Un monde très proche de notre futur immédiat, décalé mais familier. Et nous ne sommes qu’au début des décalages qui nous guettent, des mondes qui nous attendent.
Reprenons. Un homme, Oscar Nexus, a tué trois personnes à coup de révolver,en pleine rue, puis s’est couché sur leurs cadavres et s’est endormi . Police, arrestation, procès, mutisme, perpétuité, asile/prison.
Pour des raisons différentes, un policier et un psychiatre veulent comprendre les raisons, les mobiles cachés, le but réel de leur patient/prisonnier, qui va devenir leur objet d’étude commun.
Dans un cadre étrange, avec des méthodes surprenantes, ils vont établir le contact avec celui qui a agi « pour sauver le monde ». Et il va parler, leur raconter son histoire, ou plutôt faire l’archéologie de son crime à travers un seul et immense rêve. Ce qui en sort ,c’est avant tout la présence de plus en plus forte d’un autre monde, dont tout procède, monde lui-même menacé par des querelles intestines et des catastrophes écologiques. Et ce monde, raconté parce que rêvé, va devenir pour ses deux auditeurs plus fascinant, plus angoissant, plus réel que les petits problèmes de Regson.
Alors où est le rêve, où est la réalité, où est le vrai, où est l’imaginaire ? Ce roman qui brasse nos grandes interrogations, où prend-t-il racine? Où trouve-t-il sa source et sa capacité à nous rendre plus éveillés, plus curieux, plus angoissés aussi ?
Chacun y reconnaîtra à sa guise une atmosphère familière, policière, fantastique, psychanalytique, romanesque tout simplement. A diverses reprises il m’est venu quelque chose du Shutter Island de Denis Lehane. Et pourtant on en est très loin… à part peut-être l’enfermement, la folie et le doute sur le réel (presque rien, quoi)!
Mais ce qui frappe surtout, c’est la maîtrise de ce premier roman d’un auteur de vingt-six ans. C’est vrai que l’âge n’explique ni n’excuse rien, pas même le talent ni une écriture qui tient la route d’un bout à l’autre. Que l’on me permette seulement d’être admiratif et ravi de cette belle découverte d’été.