Les éditions Sonatine nous livrent à nouveau un roman policier original, tant par son style narratif empreint d’autodérision sur les polars en général (le narrateur et personnage principal du livre n’est ni détective ni policier), que par l’habile imbrication d’une saga familiale lourde de secrets et d’une trame policière inhabituelle se déroulant dans le milieu de l’art contemporain.
Ethan Mueller est un jeune galeriste new yorkais dont l’univers branché s’agite autour de clients richissimes mais incultes, de soirées VIP toxiques et superficielles, d’objets d’art dont la valeur financière repose sur des spéculations intellectuelles et totalement arbitraires, du moins pour les profanes.
Issu de la haute bourgeoisie, il évolue dans ce monde-là somme toute comme un poisson dans l’eau, certes avec un certain recul salvateur et un poil de sarcasmes, mais finalement bienheureux d’avoir trouvé une occupation valorisante qui ne lui a demandé que le fait d’être « bien né ».
Ethan nous raconte donc son histoire ou plutôt deux histoires : celle d’une découverte artistique qu’il a faite et qui l’entraîne malgré lui à la poursuite d’un serial killer, et celle de sa famille, quittant au XIXe siècle l’Allemagne pour les Etats-Unis dans l’espoir d’un avenir meilleur.
Les deux histoires, très éloignées l’une de l’autre au début du roman, n’auront de cesse de se rapprocher pour finir par s’imbriquer intimement et dévoiler à la fois l’auteur de crimes pédophiles irrésolus mais aussi un dramatique secret de famille.
L’argent, et les relations sociales qu’il induit, est au centre de ce roman : l’argent qui fait défaut aux aïeux d’Ethan à leur arrivée dans le Nouveau Monde ce qui les relègue au statut de victimes et de loosers ; l’argent qu’ils vont gagner peu à peu par leur travail et qui va s’amasser en une immense fortune sans toutefois les préserver de drames familiaux et de manque d’amour ; l’argent qui inonde le marché de l’art contemporain de façon parfois scandaleuse et indécente.
C’est aussi l’histoire de multiples enfances sacrifiées au travers de l’exclusion, de violences subies, morales ou physiques, de rejet dû à la différence, à la maladie, d’hérédité accablante et fataliste.
D’agréables heures de lecture assurées par ce jeune auteur, fils des écrivains Johnatan et Faye Kellerman. Et une confirmation qu’il faut suivre les parutions des éditions Sonatine (voir les critiques sur ce site de Vendetta et Seul le silence)…