[par Nathalie Goldgrab]
Écrit en 1952, ce texte intense, fervent et glaçant tout à la fois, est certes très exigeant. Stig Dagerman, jeune homme idéaliste tourmenté, très certainement hypersensible et d’une acuité impressionnante malgré son jeune âge, livre ses considérations sur la liberté de l’homme, l’emprise du désespoir, la difficulté de vivre, le salut de la création. Il oscille entre le constat d’une grande désolation empreinte d’une inexorable vanité et une aspiration éperdue au bonheur, une rage dévorante de vivre.
(…)
Cette réflexion, comme un testament, est d’une fulgurance d’autant plus douloureuse qu’elle s’appuie sur une analyse méthodique, une démonstration accablante, une rigueur intellectuelle éclairée. D’un côté, il y a le bouillonnement de celui qui veut survivre coûte que coûte, de l’autre il y a la froideur de la réalité. Cette dualité si paradoxale décuple la puissance du propos. Le raisonnement sec qui mène alors au constat impassible de l’échec entre brutalement en collision avec les affres de l’impuissance, la fièvre de l’émotion, l’agitation des sentiments, la commotion de l’âme. Et cela nous heurte de plein fouet, nous touche et nous foudroie.