Le narrateur, intellectuel égyptien, prend des taxis pour se déplacer. Et au Caire, il y en a 80 000 ! Rien à voir avec ceux d’ici (qu’ils me pardonnent d’avance) : travail à la tâche, location du taxi à la journée, vie de misère et heures au volant interminables pour gagner 3 sous. Naturellement, ils voient tout, entendent tout…et inventent le reste au besoin. Et pas moyen de les empêcher d’en parler. D’où un formidable tableau de l’Egypte de Moubarak, vue à partir de la rue : difficultés économiques du peuple, corruption du bas en haut de l’administration, arbitraire policier, blocage complet du système politique, humiliations quotidiennes de la population, qui subit en silence les ravages du capitalisme sauvage.
Et tout cela à travers l’oeil, ou plutôt l’oreille, de Khaled Al Khamissi, qui réussit à nous entraîner, avec ces cinquante-huit conversations, dans un véritable roman, en brossant en creux le portrait de ce narrateur plutôt aisé, bien disposé, mais pas très courageux dès que la conversation pourrait devenir compromettante pour lui.
En ce sens, il se révèle très différent de l’auteur qui, lui, on le voit, n ‘hésite pas à se mouiller, face à un régime dont le caractère démocratique n’est pas la première vertu.