Gris Fer est construit à partir de deux textes,
L’Excursion des jeunes filles qui ne sont plus, d’Anna
Seghers et Le Père, de Heiner Müller.
Deux voix se confrontent à la mémoire de la
catastrophe que fut le XXe siècle en Allemagne. L’une,
se déployant comme une chorale, parcourt cette
période en se remémorant le destin d’une classe de
jeunes filles qui firent dans les années 1910 une
excursion pleine du bonheur sans arrière-pensée qu’on
peut avoir à dix-sept ans. Et pourtant ces mêmes jeunes
filles radieuses seront les actrices ou les victimes de
l’impensable horreur.
L’autre voix, dialoguant avec un violoncelle, évoque le
souvenir douloureux d’un père ni héros ni salaud qui
mena son chemin dans une époque où les illusions
furent meurtrières et la lucidité plus rare encore que le
courage.
Ces deux écritures virtuoses cherchent le point où l’on
perd son innocence, où la faiblesse se change en mal.
Ces deux textes sont traités comme des
partitions. L’Excursion des jeunes filles qui ne
sont plus est une lecture à sept voix qui tente
de peindre le paysage fantasmé par la
narratrice et de faire entendre la multiplicité
des temporalités. Le Père est un dialogue
entre la voix du fils et celle d’un violoncelle qui
est peut-être celle d’une culture dont
l’extrême raffinement s’est dévoyé en
barbarie.