Comme chaque année depuis 4 ans, nous présentons à la librairie la dernière création du Théâtre aux éclats.
Cette année, il s’agit d’une représentation de La Tempête de William Shakespeare, dans une mise en scène de Manuel Gautier.
Ce sera le vendredi 4 juin à 21 h à la librairie.
Nous avons demandé à Manuel Gautier de nous présenter cette pièce. D’où ces réflexions, bien intéressantes.
LA TEMPETE de William Shakespeare, INTENTIONS DE MISE EN SCENE
Prospéro, roi déchu, a recours à la magie blanche et noire pour façonner le monde à l’image de son esprit. Sur l’île où il a échoué, on le voit agir : il asservit les esprits et manipule les hommes avec beaucoup de maîtrise…
De nombreuses sources le confirment : Shakespeare ne croyait pas à la magie ; pas plus qu’à la sorcellerie et autre astronomie – et sans doute pas en dieu non plus mais cela, il était impossible de le dire dans l’Angleterre du XVIIème siècle ! Alors, comment définir un individu qui croit agir sur le monde et ne brasse que des illusions ? Un fou ? Un dément ? Ou un homme, tout simplement ?… Un homme qui croit posséder le monde et le construire selon ses désirs.
Dans le cas de Prospéro, il s’agit du projet d’un érudit, d’un intellectuel et d’un moraliste : ce monde sera celui du savoir, de l’ordre et de la justice – un monde parfait… Mais la vie va passer par là et ridiculiser la rectitude du magicien. Et chez Shakespeare, ce grand auteur populaire, la vie est toujours foisonnante, chaleureuse et drôle. Elle ne ressemble en rien aux spéculations glacées de Prospéro. Elle est représentée par des personnages joyeux et tristes ; lâches et courageux ; infiniment petits et infiniment grands…
En travaillant sur le texte de Shakespeare, deux images me sont venues.
En premier lieu, j’ai vu un directeur de cirque persuadé qu’il a enfin découvert la formule de la représentation parfaite – celle après laquelle il deviendrait inutile de jouer à nouveau car tout aurait été dit. Et je l’imaginais dirigeant fiévreusement les artistes. Ces derniers, dociles, obéissaient consciencieusement à leur maître mais ne pouvaient s’empêcher, dans le dos du directeur, d’adresser de discrets pieds de nez aux spectateurs – ils savaient bien que la représentation parfaite n’existe pas et que celui qui veut la créer ne produit souvent que de l’ennui ou de la monstruosité…
J’ai ensuite imaginé ce même directeur, vieux malade abandonné au fond d’un hospice, enfin chassé du cirque parce qu’il le conduisait à la ruine, et qui revit avec amertume son heure de fausse gloire…
C’est sur ces quelques piliers que j’ai emmené les comédiens du Théâtre aux Eclats sur les flots shakespeariens… Puissent les spectateurs nous suivre en haute mer !
Manuel Gautier