Une nouvelle histoire de serial killer… en séries.
Alors, on prend les mêmes, et on recommence :
soit, un homme célibataire à l’Oedipe un rien dérangé par une mère étouffante et sans pudeur,
soit, un monde intérieur un rien mégalo et parano, foisonnant et luxuriant,
soit, une libido perverse et compulsive avec une aversion pour l’homosexualité et un Ça complètement débridé,
soit, un complexe d’infériorité compensé par une envie de pouvoir et de domination, notamment sur les femmes,
soit, un Surmoi abondamment humilié dans l’enfance incitant à violenter les plus faibles, à commencer par les animaux (sauf les plus dénués d’empathie, comme Jéhovah et Cornichon, paix à leurs âmes).
Jusque-là, le lecteur est en terrain connu.
Ajoutons à cela que l’homme est un simulateur : Joe-le-Boucher dans la vie privée se transforme en Joe-le-Lent dans la vie publique. A son travail, qu’il trouve dégradant mais qui lui permet à la fois de couvrir ses agissements et ses arrières, Joe à un QI de 70 environ, dans ses meilleurs jours. Le gentil benêt, quoi, avec sa serpillière et son seau, il en est même attendrissant…
Mais dès qu’il vaque à ses occupations personnelles, cet employé modèle se transforme en un « nettoyeur » machiavélique et rusé, aux stratégies élaborées et aux déductions inspirées. Epris de justice, il traque l’imposteur, le traître, le copieur qui a osé lui imputer un crime qu’il n’a pas commis.
A ce stade, le personnage s’affine. Après tout, c’est original de nous présenter un psychopathe sous son aspect infantile et irresponsable. La distance qu’il prend avec ses victimes nous empêche de nous apitoyer sur leur sort. Ses crimes ressemblent à des petits jeux inoffensifs, tout au plus un passage obligé d’infraction à l’interdit guidé par l’immaturité et quelques mauvaises pulsions mal canalisées. Un comportement bon enfant, un peu dérangé certes, mais somme toute, nous ne sommes pas loin de nous laisser aller à lui pincer la joue et lui remettre la frange en place.
Le lecteur commence donc à le trouver… sympathique, ma foi. Il est vrai que parfois Joe pousse le bouchon un peu loin : par exemple, lorsqu’il utilise les instruments virils et tranchants de sa petite mallette ou lorsqu’il joue à Guillaume Tell avec un pauvre chat errant rescapé de la route….
Nous en sommes à la moitié du livre à peu près : et là, coup de théâtre. L’enfant est puni et sa correction est sévère ! Mes amis de la gent masculine vont sûrement en faire des cauchemars… je trouve pour ma part que la vengeance est plutôt drôle et que « Kill Melissa » a du cran et de la classe (mais c’est tout à fait personnel).
Dernier personnage complétant le tableau : Sally, la collègue. Joe la méprise un peu et considère à tort que c’est une attardée mentale amoureuse transie… Indifférent voire agacé par les marques de sympathie qu’elle ne cesse de lui montrer, Joe ne se méfie pas assez et surtout ne lui accorde pas l’attention qu’elle mérite. Sally deviendra alors la faille de Joe, celle qui fera tout basculer… Comme quoi, on a beau se croire hyper-intelligent, la condescendance est notre pire ennemi…
Cette petite plongée dans l’univers mental d’un détraqué de neuf ans d’âge affectif est plutôt burlesque et presque rafraîchissante… Allez-donc savoir pourquoi, mais on dirait presque une farce ! Même pas peur…