Voici, en ce mois d’octobre sur les tables de la librairie, une nouvelle inédite de Stefan Zweig qui me fait saliver d’avance : je repense aux heures merveilleuses passées à lire la Pitié dangereuse, la Confusion des sentiments, la Nuit fantastique sans oublier bien sûr les nouvelles plus connues que sont 24 heures de la vie d’une femme et le Joueur d’échecs.
C’est donc avec fébrilité que j’ouvre le petit livre et que je me laisse entraîner par le début de l’histoire : « Pour ma part, j’en suis tout à fait certaine, le meurtrier c’est lui – mais il me manque la preuve ultime, irréfutable»…
Et la magie à nouveau opère. Zweig est un fabuleux conteur des sentiments et des relations humaines. Sans jugement mais avec une distance bienveillante, il observe les excès des tempéraments, leurs échauffements, leurs emballements. Puis il déroule implacablement les conséquences néfastes de ces tourments ou passions sur le fil d’une vie.
Ainsi, nous faisons ici la connaissance d’un homme nommé Limpley, si heureux de vivre, jovial, cordial et enthousiaste qu’il en serait un excellent camarade s’il n’était par ailleurs un rien trop monomaniaque. A l’entendre, sa vie est un bonheur sans failles et même si son désir d’enfant n’a pas encore été satisfait après neuf ans de mariage, il n’en est pas moins fou de sa femme, jusqu’au bout des ongles.
Sa vie est ainsi remplie de cet amour conjugal jusqu’à l’arrivée au foyer d’un chien qu’il cajole et dorlote à l’excès et sur lequel il reporte toute son attention exubérante. Une relation intense s’instaure entre l’animal et son maître au point que la bête en devient tyrannique et orgueilleuse.
Puis un beau jour, l’enfant tant attendu paraît enfin : une petite fille, si petite et si rose dans son landau, un bijou, une merveille, la nouvelle raison de vivre et d’aimer de Limpley. Notre homme en oublie le chien et le délaisse complètement. Son affection débordante a trouvé une nouvelle cible, sa joie de vivre délirante un nouvel épanchement. Un summum d’enthousiasme expansif, une apothéose de bons sentiments… jusqu’au drame, aussi prévisible qu’incroyable.
J’ai retrouvé avec plaisir le style littéraire si fluide et délicat de Zweig, ses descriptions sensibles et fines des êtres et des situations, son talent d’écrivain qui allie la concision des mots et la force narrative. J’espère qu’il reste encore quelque part des tiroirs oubliés pleins de textes inédits de ce grand auteur !