Cela se passe au Brésil… Il y a, d’un côté, des paysans qui n’ont rien, en butte à une violence et à une haine implacables des gros propriétaires terriens, qui, eux, ont tout, du moins économiquement. Et politiquement. Et de l’autre, il y a l’ Église, seule organisation à dimension nationale indépendante de l’ État et de ces propriétaires. Et, à l’intérieur de cette Église, on trouve des clercs qui sont à genoux devant ces propriétaires, et on trouve aussi d’autres clercs qui, ceux-là, refusent cette atteinte intolérable à la vie et à la dignité de ces paysans sans terre, lesquels sont, soit leurs esclaves, soit des petits propriétaires en butte à l’expropriation, soit des chômeurs. Cette Église-là se regroupe au sein de la Commission Pastorale de la Terre (C.P.T.). Des évêques, des franciscains et des dominicains inventent la « théologie de la libération ». Inspirés des valeurs de cette théologie selon laquelle les hommes sont co-créateurs du monde avec Dieu, ils vont à la rencontre de ces paysans, qui, à leur contact, s’organisent au sein du Mouvement des Sans Terre (M.S.T.). Et ce mouvement va organiser des occupations sous la forme de coopératives, des terres laissées en jachère par les grands propriétaires, terres qui, selon la loi agraire, devraient revenir à l’Etat pour des redistributions. Ces redistributions ne se font pas… Le courage de ces paysans face à cette inertie – et à la violence des grands propriétaires pour la maintenir – est immense…
Ce livre, qui est extraordinaire, est la présentation, par une Brésilienne, de sa thèse de sociologie sur une occupation de terres au Parana. Pour moi, il révèle qu’au-travers de luttes collectives on peut construire une autre société au cœur même de la société actuelle, autre société qui, se présentant comme l’interface de la seconde, la remet en cause pour jeter les bases d’un autre système économique, social et éthique.
Lisez ce livre. N’en perdez pas une miette ! Il est préfacé par Luc Boltanski.