Comment réussir à Haïti lorsque l’on est issu des bidonvilles? Pour Mathurin D Saint-Fort, cela paraît simple : oublier son passé, changer de nom, devenir avocat et vivre à Port-au-Prince dans un quartier riche. Suffit d’être plus doué que la moyenne, d’avoir pas mal d’aplomb et de chance. Jusqu’au jour où débarque à l’improviste Charlie, un jeune de quatorze ans venu de leur village pour demander son aide. « Une affaire de vie ou de mort », car son ami Nathanaël et lui se sont embarqués dans une sale histoire.
Souvenir du gamin qu’il a été, retour aux sources : Mathurin suit Charlie. Il croise Anne, son amour de jeunesse, qui n’a pas eu la même chance que lui. Son passé, enfoui, ressurgit brutalement. Peut-on jamais oublier voire renier ce que l’on a été? Jusqu’à quel point peut-on en sortir indemne (et c’est vrai aussi pour le lecteur) ?
A travers ce récit à quatre voix successives, Lyonel Trouillot nous fait ressentir intensément la vie de ces Haïtiens plongés dans la misère et survivant comme ils peuvent. Il montre aussi différentes manières de réagir face au présent comme au passé : la plus difficile, mais la plus riche étant peut-être de demeurer fidèle au « yanvalou », ce salut à la terre dans le vaudou haïtien. Moyen de retrouver une solidarité dans les liens ancestraux fondant une communauté humaine.
Sais-tu ce que signifie le mot yanvalou ? Je te salue, ô terre. La terre n’a pas de mémoire. Le sol sec et pierreux ne garde pas souvenir de la bonne terre arable qui descend vers la mer. Seuls les hommes se souviennent. Où qu’ils aillent, où qu’ils restent, peut-être leur suffit-il de saluer la terre pour que leur passage soit justifié.
Réserve + : Pour mieux connaître Lyonel Trouillot et la littérature haïtienne, on peut démarrer ses recherches avec Africultures et Études haïtiennes.